INTERVIEW ROLLAND COURBIS


"On essayait de ressembler à une équipe avec une identité du Sud."


Il pourra bien faire tout ce qu'il veut, il ne pourra jamais se défaire du sporting. Comme Robert Herbin de St Etienne ou Guy Roux d'Auxerre. Adoré par certain, mal aimé par d'autres. Il n'empêche qu'il est une figure incontournable du football toulonnais. Pierre angulaire du sporting des années 80, il fera de ce club son laboratoire et par là même, rendra la fierté à tout un peuple : celui de Toulon ! Il forgera le sporting à sa main, mais à notre image : un club du Sud, populaire et ouvriers ! Il saura attirer les meilleurs des meilleurs pour notre plaisir et notre gloire retrouvée. Aujourd'hui, c'est avec un plaisir non dissimulé que le musée reçoit Monsieur Rolland Courbis en personne. 

(Pour essayer de garder "l'authenticité" de l'entretien avec Rolland, j'ai simplement retranscrit ses propos, en gardant volontairement sa façon de parler, ses mots).


ROLLAND, QU'Y AVAIT-IL DE DIFFÉRENT À TOULON PAR RAPPORT AUX AUTRES CLUBS QUE VOUS AVEZ CONNU?

Déjà,  il y avait les adversaires traditionnels que l'on rencontrait et qu'il fallait battre pour exister et localement, il y avait tout simplement le rugby avec qui on avait des superbes rapports et même encore aujourd'hui et pas seulement avec Daniel Herrero que je considère comme un entraîneur et un communicateur hors norme, et quand je vois la façon de s'exprimer et la construction de ses phrases, c'est un plaisir de l'écouter. Et en plus de çà 9 fois sur 10, c'est toujours intéressant. Le rct n'était même pas un adversaire, mais plutôt un rival compte tenu de l'importance du rugby à Toulon. Il faut se rappeler qu'à cette époque-là, le rct visait le titre pratiquement  chaque année. Et pour les concurrencer avec le football qui jouait le maintien, c'était compliqué. Pour les gens, si tu voulais voir tes couleurs, ou ta ville gagner et devenir champion de France... C'était plus facile avec le rugby.


SI L'ON VOIT QUE LE RUGBY POUVAIT ETRE UN " POINT FAIBLE " POUR LE SPORTING, QUELS ÉTAIENT A L'INVERSE SES POINTS FORTS?

Justement ressembler, même si ce n'est pas le même sport, au rugby avec la combativité, la solidarité, avec des joueurs qui s'accrochent de la première à la dernière minute. Et la satisfaction que l'on pouvait avoir, c'est d'avoir, justement la réputation d'être une équipe difficile à battre. On n'avait pas la prétention d'être une équipe qui donnait des leçons de football aux autres, mais on essayait aussi de ne pas en prendre, y compris contre les meilleurs, et çà on l'a quand même réussi en partie pendant pas mal de temps. Je suis resté 9 ans à Toulon et on a réussi à se maintenir en première division en ayant le dernier budget et même quelques fois en terminant à des places plus qu'honorables et çà, c'était pas évident et on a réussi quand même.


JUSTEMENT, PAR RAPPORT À TOUT ÇA, SUR QUELS CRITÈRES VOUS BASIEZ-VOUS EN RECRUTANT VOS JOUEURS?

Justement, quand on avait la possibilité de recruter des joueurs du Sud, ou habitués aux ambiances du Sud, que ce soit à Monaco pour Christian Dalger qui a montré l'exemple en venant en premier pour relever le challenge à Toulon. Ou Chaussin, Ricort, Onnis, Emon, Pardo, Marsiglia qui venaient se rajouter aux Marcel Dib, aux Alfano, aux Boissier, aux Jean Louis Bérenguier de La Ciotat, aux Martin N'Kouka, on essayait de ressembler à une équipe avec une identité du Sud, quoi !


AVEC LE RECUL, IL Y AURAIT DES CHOSES QUE VOUS FERIEZ DIFFÉREMENT, MAINTENANT?

Oui, on a toujours des choses en tête après quelques années, après beaucoup plus d'expérience, çà c'est une évidence. Mais de l'autre côté, on est assez fier de ce que l'on a fait, même si on peut toujours dire que l'on aurait pu mieux faire. Ce n'était pas évident, je me rappelle que les premières années, la veille, on ne savait pas où l'on allait s'entrainer le lendemain.


IL Y A QUELQUE CHOSE QUE VOUS REGRETTEZ DU SPORTING?

Il y a une saison où, à la dernière journée on perd contre Nantes à domicile, alors que les Nantais n'ont plus rien à jouer, ils ont leur gardien qui se blesse et on perd la 4ème place. On se fait doubler par Metz et après, Metz a le plaisir de rencontrer le Barça. On aurait pu faire Toulon-Barça, allé/retour, çà aurait été magique.


DANS VOTRE LIVRE, "POURQUOI MENTIR", VOUS PARLEZ DU FAMEUX TUNNEL DE BON RENCONTRE, DITES EN NOUS UN PEU PLUS...

Oui, on essayait de ressembler à ce qui se fait en rugby, d'intimider nos adversaires. Mais c'est vrai que venir nous battre à domicile, c'était pas impossible, mais c'était pas facile.


ET LES SUPPORTERS DU SPORTING FAISAIENT PARTIE INTEGRANTE "DU PAYSAGE" TOULONNAIS À L'ÉPOQUE:

Et oui, çà faisait partie d'un tout, l'exubérance, les chants et les cris, c'était une force.... Et quand je vois au rugby maintenant, les gens qui chantent le pilou-pilou, çà me fais rire, mais je me régale !!!


VOUS SUIVEZ ENCORE, ROLLAND, LES RÉSULTATS DU SPORTING?

Ah oui, oui, oui. Je suis au courant que le sporting remonte en cfa et j'en suis heureux.


J'AI LU DANS UN ARTICLE QUE VOUS NE RETOURNIEZ JAMAIS DEUX FOIS DANS UN MEME CLUB, POURTANT IL Y A EU MONTPELLIER. ON PEUT RÊVER DE VOUS REVOIR UN JOUR SUR LE BANC A BON RENCONTRE?

Ha c'est difficile. Je crois qu'il y a une certaine époque pour faire certaines choses. Retournez dans un endroit, çà m'est arrivé à Bordeaux, çà m'est arrivé à Montpellier, y'a des avantages et des inconvénients. Quand on retourne, on a toujours dans la tête des idées d'une certaine façon et souvent, c'est totalement différent, pas obligatoirement négativement, mais une histoire qui se termine et vouloir faire une autre histoire dans le même club, c'est très très compliqué !


VOUS AVEZ UN MOT POUR CELLES ET CEUX QUI VONT VOUS LIRE?

En tous les cas, c'est pas un mot que j'ai. C'est beaucoup plus que çà et tout ce qui se passe à Toulon, çà ne me laisse pas indifférent du tout. J'y ai passé 9 ans de ma vie, de 28 ans à 37 ans et ce sont des belles années en plus. Donc si les jeunes qui n'ont pas connu ni la ligue 2, ni la ligue1 avec Toulon peuvent arriver à connaître çà, dans le sud qui a déjà perdu Toulon et Cannes, des endroits quand même sympas qui ont disparu...  Revoir le sporting exister, ce serait pour moi beaucoup, beaucoup de bonheur.


MERCI, ROLLAND. ET J'AI UNE DERNIERE QUESTION, ELLE N'EST PAS DE MOI, MAIS DE LUIGI. IL SE DEMANDE POURQUOI VOUS APPELIEZ SON NEZ :" UNE CRAVATE"?

Ho, il avait une fracture du nez, où tous les joueurs normalement constitués n'auraient pas joué. Ben lui, premièrement, il avait dit je joue, et deuxièmement sans masque de protection. Et puis, à un moment en faisant une tête le nez avait bougé, hé bé... Il se l'était remis tout seul comme on remet un noeud de cravate... c'est pour çà.


MILLE FOIS MERCI ROLLAND ET BONNE CONTINUATION A VOUS.


ROLLAND ET LE SPORTING :

Défenseur.

1982/1983: 39 matchs. 2 buts.

1983/1984: 43 matchs.

1984/1985: 17 matchs.

Entraîneur.

1986/1987: 24 matchs.

1987/1988: 41 matchs.

1988/1989: 43 matchs.

1989/1990: 23 matchs.