INTERVIEW JOSEPH-ANTOINE BELL


"Les joueurs ont prouvé qu'avec leurs moyens, ils pouvaient battre tout le monde."

 

Une seule saison sur la rade, que personne n'a oubliée. Des arrêts de grande classe dont tout le monde se souvient. Preuve en est que le sporting pouvait attirer des internationaux du Monde entier au pied du Faron. On se souvient tous de ses chevauchées effrénées pour féliciter le coéquipier qui venait de marquer. Si à une époque, le sporting était respecté de tous et partout, c'est parce que des joueurs comme lui portaient ce fichu maillot frappé de la rascasse. Aujourd'hui, c'est avec l'immense Joseph-Antoine Bell que le musée vous invite à passer un moment.


JOSEPH-ANTOINE, POURQUOI AVOIR CHOISI LE SPORTING ?

J'étais à Marseille, et comme c'était pas loin de Toulon, j'avais des contacts avec Rolland Courbis qui avait lui-même des contacts avec Bernard Tapie. Ça ne se passait pas très bien à l'om. Il y avait une très grosse incompatibilité de personne et d'humeur avec Tapie, je soupçonne même Rolland d'y avoir contribué (rire). Je suis donc venu au sporting. Rolland pensait que j'étais sur le déclin, et que je pouvais venir à Toulon, alors que j'étais en pleine forme. C'était juste une "incompréhension" avec Tapie qui a fait que je suis venu à Toulon pour une saison en attendant de trouver un club qui pouvait jouer le titre.


QUEL JOUEUR DU SPORTING T'A LE PLUS MARQUÉ ?

(Longue hésitation...) Roger Mendy ! Il avait des qualités énormes que l'on ne voyait peut-être pas tout de suite. Des qualités techniques, mais surtout physiques. Il était rapide et avait une incroyable détente. C'était un garçon vraiment fort. Il avait tout pour jouer dans les plus grands clubs. Bernard Pardo aussi. C'était un très grand joueur et la suite de sa carrière l'a prouvée. Dommage qu'il n'avait pas une vie très "équilibrée", cela a constitué un frein à son talent.


UN SOUVENIR, UNE ANECDOTE SUR TON PASSAGE A TOULON ?

Quand je jouais à Toulon, j'habitais Marseille et cela ne m'a pas permis de nouer des contacts, des connaissances avec beaucoup de personnes, et je le regrette. Avec le recul, j'aurais aimé connaître les rugbymen de Toulon, comme je l'ai fait plus tard avec ceux de Bordeaux... En fait les anecdotes, c'était Rolland qui les faisait: comme le fait de chauffer le vestiaire adverse en plein mois d'août. Son management était adapté à l'équipe qu'il avait. Il était bâti pour faire un hold-up permanent.


UN MATCH EN PARTICULIER ?

Les derbys contre l'om. C'était toujours chaud, très chaud. Pour les Toulonnais, c'étaient les matchs qu'il fallait gagner ou au pire, ceux qu'ils ne fallait surtout ne pas perdre. C'étaient les seuls matchs où les gars pouvaient rester concentrer une semaine entière avant le match (rire).


EN QUELQUES MOTS, SI TU DEVAIS RÉSUMER TON AVENTURE TOULONNAISE?

Ça a été une année sympathique, où j'ai appris l'humilité à vivre avec eux, à leurs côtés. À Toulon, la vie du foot était un peu "décalée". Quand tu joues dans une équipe qui se bat pour le titre, tu vis pour le club. Tu es tout le temps concentré sur ton sujet, ce que tu dois faire, être toujours plus pro. Au sporting, les gars avaient une autre approche: ils allaient à la pêche, à la chasse, ils faisaient la fête. Ils compensaient le talent qu'ils leur manquaient par une envie, une fougue, une volonté, une hargne, et même une violence dans le jeu parfois, qui permettait tous les exploits sportifs. Le foot n'était peut-être pas le centre de leur vie, mais ils ont prouvé qu'avec leurs moyens, ils pouvaient battre tout le monde, ils pouvaient tout faire. Ce qu'à fait ces 11 garçons-là a été remarquable. Il ne faut pas oublier que l'on a été premier pendant 9 journées... Je me suis même mis à rêver ! Cela m'a plu de comprendre ces gars-là, de les côtoyer. Ce sont des leçons à tirer pour la vie.


QUE DEVIENS-TU ?

Je suis au Cameroun, un peu confiné* (rire). Je travaille un peu pour la CAF (Confédération Africaine de Football), la FIFA et Radio France Internationale.

*l'entretien a eu lieu le 15 juin.


JOSEPH-ANTOINE ET LE SPORTING :

Gardien de but.

1988/1989: 36 matchs.