INTERVIEW ANDRÉ SUDRE


"C'était la première fois que le sporting monte en première division!"


Ce monsieur est un personnage incontournable du football toulonnais. Joueur du sporting dès 1949, il fit partie de cette fameuse équipe qui, pour la première fois de son histoire, porta le club de la rade en première division à l'issue de la saison 1958/59. International Amateur et Olympique, il fit briller les couleurs du club de sa ville durant pratiquement une décennie. Appelé à la rescousse d'un sporting moribond et descendant en troisième division en 1980, il réussit l'exploit, en tant que président, de le ramener dans l'élite du foot Français en seulement trois saisons, dessinant et amorçant les contours de l'âge d'or du foot Toulonnais. Aujourd'hui, c'est avec Monsieur André Sudre que je vous propose de passer un moment.


ANDRÉ, POURQUOI AVOIR CHOISI LE SPORTING ?

Juste après la guerre, quand les terrains de foot avaient été bombardés, on se retrouvait le soir après l'école pour taper dans le ballon dans la rue avec des pierres en guise de buts. Un soir, un monsieur, grand, est venu me voir et m'a dit : "çà te plairait de jouer au sporting?",  "oui, bien sûr" je lui ai répondu. "Alors, voilà, je m'appelle Francis Bazardi et je suis le responsable des équipes de jeunes du sporting avec Gu Mouraille et on fait un rassemblement au stade St Maur et j'aimerais bien que tu viennes". Le jour dit, je me présente au stade et là, un monsieur avec une casquette distribuait les maillots et il me dit : "toi, faudra que tu reviennes, tu es trop petit". Je suis parti vexé, j'avais 11 ans, c'était en 1947. J'ai donc joué à l'étoile sportive de Montety, et un soir en rentrant de l'école, il y avait ce Monsieur Bazardi qui m'attendait devant chez moi et qui m'a demandé de venir au sporting. J'ai donc signé une licence de pupille, même si je me demande encore si j'avais l'âge. J'ai préparé le concours du jeune footballeur que j'ai gagné dans le Var, puis à Marseille et j'ai été sélectionné pour monter à Paris. Je suis ensuite parti à Morez dans le Jura pour faire mes études d'opticien et je suis revenu pour jouer en junior pendant les vacances. Un jour où j'étais à la plage au Lavandou (nous habitions là-bas, mes parents y avaient un petit commerce), je vois ma mère me faire des signes et me dit: " Il y a un Monsieur de Toulon qui s'appelle Gaby Robert qui est au téléphone". Il m'a demandé de venir à l'entrainement et de jouer un bout de match amical contre Cannes. À l'issue, je me suis entraîné avec les pros et j'ai fait mon premier match à Roubaix où l'on avait fait match nul, il me semble.


QUEL JOUEUR DU SPORTING VOUS A LE PLUS MARQUÉ ?

J'ai joué quand même dans une équipe où il y avait Jean-Jacques Marcel, Maurice Lafont, Lucien Cossou, Yvan Garofalo, Karimou Djibrill, Marquet, Jonsson qui venait du Stade Français, etc, etc. J'ai vu passer beaucoup de bons joueurs mais, le meilleur que j'ai vu, c'était Jeannot Camilla. Un milieu de terrain, un merveilleux technicien. Sinon, il y a eu Bernard Roubaud également. Il y avait beaucoup de bons joueurs, mais ils jouaient pour eux, pas pour l'équipe. Eux, oui ! 


UN SOUVENIR, UNE ANECDOTE SUR VOTRE PASSAGE A TOULON ?

Il y a en tellement, mais je crois que c'est la montée en 1959.La première fois que le sporting monte en première division. J'ai un regret, un énorme regret, celui de ne pas avoir pu jouer le match de la montée à Besançon. Je venais d'être appelé pour partir en Algérie. J'ai fait toute la saison et le dernier match, je ne suis pas là. Il y avait des Toulonnais qui étaient montés là-bas. Et l'accueil qui a été fait à l'équipe, à la gare lors de leur retour avait été fantastique. Je n'ai pas pu le voir malheureusement, mais il y avait du monde de partout autour de la gare. Nos déplacements aussi, on partait en train, et il y en avait 2 qui dormaient sur les sièges et 2 dans les filets dessus. On traversait la France et on arrivait le matin du match, on était tordu (rire). Mon premier match en pro, c'est également un souvenir inoubliable. À Roubaix, dans le stade d'arrivée de la course Paris-Roubaix. Et là, je vois arriver un joueur de chez nous avec une chaussure réparée au sparadra. L'entraîneur, Gaby Robert, lui a dit : "j'ai envie de te renvoyer à Toulon avant le match, c'est lamentable quand je vois comment tu entretiens ton matériel. Si la semaine prochaine, tu reviens avec ces chaussures, je te les envoies sur la gueule" (rire). Et puis pour finir, il y a eu ma suspension de 6 mois pour avoir joué avec une fausse licence pour Montety, alors que je jouais déjà avec le sporting... j'étais minime (rire)


UN MATCH EN PARTICULIER ?

Contre Bastia à Toulon et mon premier but en pro. On perd 1 à 0 et en fin de match, sur un corner tiré au milieu d'un amas de joueurs, je tombe et là, d'un pointu, j'égalise. C'était quelque chose d'extraordinaire pour moi. Il y avait du monde au foot à Toulon, surtout avec tous les "pieds-noirs" qui venaient d'arriver et qui étaient plus foot que rugby. Et les derbys contre l'om, c'était chaud, très chaud... Je me souviens, une année, on joue la montée et on va jouer à Marseille. 35 000 personnes au stade vélodrome, match heurté comme tous les derbys contre l'om et à quelques minutes de la fin, ils menaient 1 à 0. Leur gardien récupère un ballon et veut gagner du temps. Cossou, pourtant Marseillais lui chipe le ballon : 1-1. Sur l'engagement, ils perdent le ballon, un de chez nous prend l'arrière de vitesse, frappe des 18 mètres : 2-1 pour nous. La sortie fut chaude, d'autant plus chaude, que les cars de supporters de chez nous avaient eu les pneus crevés. Un jour même, ils avaient " balancé" une supportrice sur la piste en ciment du stade vélodrome. Elle avait eu une fracture du crâne. C'est vous dire à quel point, c'était chaud ! Lors de ces derbys-là, dans les 2 camps, il valait mieux ne pas garder le ballon dans les pieds... (rire).


EN QUELQUES MOTS, SI VOUS DEVIEZ RÉSUMER VOTRE AVENTURE AU SPORTING?

Le sporting, c'est le club de ma ville, de ma vie, c'est mon club. Signer une première licence à 13 ans, faire la majorité de sa carrière avec ce club-là et finir par en être le président, je suis le seul exemple en France. J'ai des milliers de souvenirs à partager, même si pour moi le sporting est devenu une déchirure aujourd'hui. De voir ce qu'il est devenu, c'est trop triste.


COMMENT ÊTES-VOUS DEVENU PRÉSIDENT DU SPORTING ?

On venait de descendre en 3e division. J'étais dans ma boutique rue d'Alger et Maurice Arreckx et François Trucy sont venus de demander de reprendre la présidence. J'ai accepté à condition qu'ils me donne un coup de main à éponger le déficit et de me laisser carte blanche sur l'organisation et les personnes à mettre en place. J'ai été élu président et le premier joueur que je recrute est Christian Dalger qui rentrait de la coupe du monde en Argentine, en fin de contrat avec Monaco et blessé aux adducteurs. C'était le début d'une aventure qui allait nous faire remonter en première division... 3 ans après.


ANDRÉ ET LE SPORTING :

Attaquant.

1956/1957: 30 matchs. 6 buts.

1957/1958:   2 matchs.

1958/1959:   6 matchs. 2 buts.

1959/1960:   9 matchs.

1964/1965: 16 matchs. 2 buts.

1965/1966: 34 matchs. 6 buts.

1966/1967: /

1967/1968:   4 matchs.

Président.

1980-1983.