INTERVIEW ALBERT EMON


"On prenait le plaisir de la Vie".

Arrivé sur la rade pour renforcer le secteur offensif du onze de la rascasse lors du retour du club en première division en 1983, il restera trois saisons à Toulon, et marquera au fer rouge les supporters azur et or. Il apportera la technique, la vista, la justesse de jeu qui permettra au sporting de se maintenir dans l'élite du football français. Avec son compère Délio, il sera la hantise des défenses adverses, prouvant ainsi aux détracteurs du foot made in Toulon, que si cette équipe-là était physique, elle savait également pratiquer du beau jeu. Aujourd'hui, c'est avec Monsieur Albert Emon que le musée vous propose de partager un moment.


ALBERT, POURQUOI AVOIR CHOISI LE SPORTING ?

Je jouais à Lyon et je voulais redescendre dans le sud. Toulon remontait en première division et je voulais rester en ligue 1, malgré mes 30 ans. Et Rolland m'a contacté. Je n'ai pas hésité, j'ai sauté sur l'occasion. Il y avait un vrai projet sportif, la possibilité de jouer à Mayol, un challenge intéressant, il n'y avait pas de raison de ne pas venir. Et je ne le regrette pas. J'ai signé trois ans et je suis resté trois ans. En plus, il y avait toute la colonie monégasque: Délio, Rolland, Jean-Pierre (Chaussin), Christian (Dalger). Je connaissais déjà beaucoup de monde là-bas. Oui, le sud m'attirait et Toulon aussi.


QUEL JOUEUR DU SPORTING T'A LE PLUS MARQUÉ ?

J'ai joué avec Alfano, Bérenguier, Bénédet, N'Kouka, avec la colonie monégasque, comme j'ai dit tout à l'heure. Sans oublier Roger Ricort et René Marsiglia.

La première année a été une année d'apprentissage, je dirais. On a joué à Mayol et à Bon Rencontre. Mais il fallait absolument se maintenir et on l'a fait. C'était primordial pour le club et les joueurs. Je me suis éclaté. Mayol était plein tous les samedis, malgré la concurrence avec le rugby. Ça poussait fort ! Le principe à nous, c'était le collectif. Un jour, on a vu quand même un jeune homme arriver dans le groupe au milieu des vieillards que nous étions (rire). Il s'entraînait avec l'équipe 2. Il avait de longs cheveux. On s'est dit: "lui, il va nous apporter quelque chose". C'était Marcel Dib. Il est arrivé aussi Neubert, Verstraete. On se connaissait tous, on avait joué ensemble ou les uns contre les autres. On jouait sur nos valeurs, pas sur nos défauts. On n'avait pas peur, on jouait haut. On était physique, très physique, parfois même au-delà (rire), mais on savait jouer technique aussi, il y avait des joueurs pour. On perdait des matchs, mais les gens se régalaient quand même.


UN SOUVENIR, UNE ANECDOTE SUR TON PASSAGE À TOULON ?

Les trois ans que j'ai passé là-bas ont été merveilleux. On avait une qualité de vie exceptionnelle. J'étais le plus heureux du monde. Je me souviens, je faisais la sieste, après j'allais jouer aux boules à Carqueiranne, puis je partais à l'entraînement. Le principe était simple: on prenait le plaisir de la Vie. On n'avait pas un gros effectif, alors il fallait se battre à tous les matchs. Il n'y avait pas un mot au-dessus des autres. Personne n'était jaloux de personne. On partageait les primes pour les 20 joueurs. C'était presque parfait.


UN MATCH EN PARTICULIER ?

Des buts plutôt. Contre Lens en championnat. On était troisième ou quatrième et on les reçoit. Ce soir-là, il  avait plu tout le match. J'avais raté un ou deux tirs. Et on arrive à la 90e. Coup franc pour nous. Je m'approche pour le tirer, les autres me disent : "tu es fou". Je regarde la pendule, l'aiguille est dans la partie noire. Le temps est dépassé. Je le frappe et je marque. Je me souviens, le soir même, on passe à Téléfoot présenté par Pierre Cangioni, il me semble. De temps en temps, je vois Huard... Il me parle encore de ce but (rire).

Et en parlant de Lens, en coupe. Jean-Pierre Chaussin qui avait marqué un but terrible.


EN QUELQUES MOTS, SI TU DEVAIS RÉSUMER TON AVENTURE TOULONNAISE?

Quand je suis parti à Lyon, je n'ai pas trouvé ma place, même si j'ai marqué une vingtaine de buts. Et quand je suis venu à Toulon, ça m'a "relancé" en quelque sorte. Car même après mes trois saisons passées au Sporting, j'ai pu encore jouer 2 ans pro. Et puis Toulon restera gravé, car mon fils est né là-bas. J'y ai pris beaucoup de plaisir. C'est un club qui me tient à coeur. J'ai vécu trois ans de bonheur.


QUE DEVIENS-TU ?

Retraité. Je viens de me faire mettre une prothèse de la hanche en attendant l'autre. À mon âge, çà commence à frotter de partout (rire). Le foot a été un métier formidable, mais il est très exigeant et m'a laissé beaucoup de séquelles.


ALBERT ET LE SPORTING :

Attaquant:

1983/1984: 39 matchs.   6 buts.

1984/1985: 35 matchs.   8 buts.

1985/1986: 37 matchs. 10 buts.

Entraîneur:

1997/1998: 18 matchs.