INTERVIEW PIERRE NEUBERT


"Certainement ma plus belle année de ce que j'ai vécu dans le football."

Il y a des familles comme ça qui auront marqué la vie du club. Des familles dont l'histoire personnelle se confond pour un moment avec celle du club de la Rascasse. Des familles dont l'empreinte du sporting aura été si forte, que le fils a succédé au père sur le terrain et dans le coeur des supporters. Des familles dont le nom sera forcément et pour toujours associé à celui du club de la rade. Ainsi après Marcel et Marc Duval et avant Bernard et Laurent Boissier, c'est Pierre Neubert qui reprit le flambeau de Rudi, son père, pour porter haut les couleurs azur et or partout, sur tous les stades de France. Et aujourd'hui, c'est avec lui que nous allons passer un moment.


PIERRE, POURQUOI AVOIR CHOISI LE SPORTING ?

Déjà, quand je suis jeune, je joue à Hyères qui est entraîné par Gaby Robert, que mon père avait connu au sporting. C'est lui aussi qui me fait passer professionnel à Valenciennes dont il était devenu l'entraîneur. Et mon premier match en pro, je le joue contre le sporting en coupe à Bon Rencontre. C'est monstrueux. Je joue le premier de mes cinq cents matchs pro de ma vie contre Toulon. Et à Bon Rencontre, il y avait Roubaud, Bourrier, Duval et Christin Dalger.

Je fais ma carrière à Nancy, alors que Rolland et Christian voulaient déjà que je vienne avec eux à Monaco, mais je voulais jouer avec Platini. Et en quatre-vingt-trois, je suis en fin de contrat. J'ai trente et un ans. Je me dirigeais vers un début de reconversion chez le coq sportif à Strasbourg avec Roger Piantoni, tout en jouant dans un club comme les vauban de Strasbourg.

Et puis en coupe de France, Toulon qui est en D2 (ils sont aux portes de la D1), joue contre Blénod, à Blénod. Le sporting est à l'hôtel à Nancy et je reçois un message de Rolland,(avec qui j'avais joué en équipe cadet sud-est) et de Christian (Dalger). J'y vais en courant, tu parles. Ils me disent : "tu joues stoppeur à Nancy, mais on te veut en six (Poste que j'occupais avant) car en stoppeur, on a Luigi". Ils ont joué aussi sur la fibre du coeur : "Tu es Toulonnais, il faut que tu viennes", et puis aussi, "il arrive  Délio Onnis, Col, Emon. On va avoir une grosse équipe." J'ai mon ego qui est flatté et le coeur choisit Toulon. J'ai presque fait tous les matchs. 


QUEL JOUEUR DU SPORTING T'A LE PLUS MARQUÉ ?

J'ai joué avec Marcel Did, N'Kouka, Vizcaino, Jean-Louis, Bernard Boissier, Luigi qui mettait la tête où personne n'aurait mis le pied, Rolland, Paga. Mais celui qui m'a marqué, c'est Christian. C'est la star, c'est le monstre de Toulon. C'est une haute personnalité du football, un international. Il avait tout.

Quand tu venais jouer Toulon avec les Courbis, Boissier, Bérenguier, Alfano, il fallait avoir du courage.

Rolland pour Toulon il a tout fait. Il serait mort pour Toulon. Il n'y a que lui qui a pu faire de Toulon un gros club. S'il n'y avait pas eu Rolland, il n'y aurait pas eu Toulon.

André Sudre aussi, c'était un grand président. Un ancien joueur, il connaissait le football, c'était un gars du foot. C'est lui qui a déclenché le foot de haut niveau à Toulon, même si on ne peut pas oublier Marcel Duval et d'autres.

Christian et Rolland chacun à leur façon, sont les gens qui m'ont marqué à Toulon.


UN SOUVENIR, UNE ANECDOTE SUR TON PASSAGE À TOULON ?

Quand tu es Toulonnais et que tu te retrouves à défendre ta ville un samedi soir sous les projecteurs d'un Mayol plein, ça te donne un sacré coup d'adrénaline. On voyait même Gallion, Eric Champ et les autres du rct dans les tribunes.

Une anecdote ? En quart de finale de coupe, on joue Lens et là-bas, Alain (Bénédet) met un but et on gagne 1 à 0. Les Lensois l'avaient mauvaise certains me disent : au retour, on va se qualifier et le samedi d'après en championnat,(on les recevait deux fois de suite), on va tout faire pour vous faire tomber en deuxième division. Ils l'avaient même mis dans les journaux de là-bas. Rolland m'avait demandé de nous les faire envoyer par mes beaux-parents. Non seulement, on se qualifie en coupe, mais quand on les reçoit en championnat, Rolland nous a tous faits sortir du vestiaire avant eux. On s'est mis devant la porte du leur. Quand ils sont sortis, on les a fixés et Rolland leur a dit : " c'est vous qui êtes venus pour nous battre et nous faire descendre en deuxième division ? Alors, je vous souhaite bien du plaisir ce soir." Je ne te dis pas qu'ils se sont "cagué" dessus, mais à la mi-temps, on gagnait deux à zéro.(rire). 

À Toulon, il y a la rascasse avec le "qui s'y frotte, s'y pique". Rolland le faisait bien comprendre. Chez nous, fallait pas venir nous chatouiller.


UN MATCH EN PARTICULIER ?

Oui, avec ma sensibilité, je me souviens d'un Toulon  -  Auxerre. Luigi était suspendu et j'ai joué stoppeur. J'ai marqué Szarmac. Il était meilleur buteur.

Dans l'instantané, il y a aussi le Toulon - Monaco de coupe de France. À la mi-temps, on est en finale. On mène 2/1 et si on fait 3/1, on est au parc en finale. Des regrets sur ce match-là. On a les occasions pour en mettre trois ou quatre. Et finalement, c'est Bravo qui marque pour eux.

À cette époque-là Toulon au foot, ce n'était pas le village à côté de Marseille.


EN QUELQUES MOTS, SI TU DEVAIS RÉSUMER TON AVENTURE À TOULON :

Moi qui suis un pur et dur Toulonnais, je suis née à la Loubière et mon père tenait le bar "l'horizon" à côté de Saint Anne, je suis resté sur ma faim. Je signe deux ans plus un. Je voyais qu'au milieu il y allait y avoir du monde avec les Ricort, Dib, N'Kouka, Casoni. Je n'ai pas osé rester pour me mettre en concurrence avec Luigi pour le poste de stoppeur que j'avais occupé à Nancy pendant cinq saisons. Je suis parti. J'ai eu peur de ne pas jouer et je suis parti. C'est une erreur, c'est une faute de ma part. Je me suis dit : nul n'est prophète en son pays. À 32 ans, j'étais encore un gamin, j'avais envie de jouer. Je suis donc parti à Hyères. Je ne donnais pas aux Toulonnais l'image du footballeur que j'étais. J'ai un goût d'inachevé. Pourtant, j'étais entouré de gens qui croyaient en moi. C'est ma faute, j'aurais dû rester. Je jouais à Toulon avec de l'amour. J'avais peur de ne pas être à la hauteur et ça a été une erreur. C'est certainement l'année où j'étais le plus avec les gens que j'aimais. Ma fierté, ma grosse fierté, c'est l'année où Toulon monte et on ne descend pas. J'aurais dû être moins "enfant gâté". C'est indéfinissable de te dire ce que je ressens pour le sporting. Sincèrement, c'est certainement ma plus belle année de ce que j'ai vécu dans le football. Là où j'ai senti le plus de coeur et de solidarité. C'est ma plus forte émotion. 


QUE DEVIENS-TU ?

Je suis à la retraite depuis dix ans. J'étais installé dans le nord près de Valenciennes. À la mort de ma compagne, je n'avais plus vraiment d'attaches là-bas et j'ai voulu me rapprocher de mes enfants qui étaient à Saint-Tropez et à Montpellier. Et je suis venu dans le sud. J'avais des amis ici, comme Michel Mézy. Et je me retrouve chauffeur de Loulou Nicollin, car je ne sais pas rester sans activité. Tous les matins, j'allais chercher ses journaux à Marsillargues, car il lisait tous les journaux. Et j'ai sympathisé avec la buraliste, Isabelle. Elle était toute seule, son mari était décédé. J'ai rencontré l'amour avec elle. Quand Loulou est mort, je suis venu l'aider à tenir le tabac-presse-loto.


PIERRE ET LE SPORTING :

Milieu-défenseur.

1983/1984 : 31 matchs. 3 buts.