INTERVIEW JEAN-PIERRE HUGON



"J'ai eu cette chance que ce recruteur du sporting m'ait repéré."

Défenseur intraitable, il sera resté sept ans au pied du Faron dont cinq à jouer en équipe première en seconde division. Joueur atypique, car il aura toujours refusé de passer professionnel au sein de l'effectif azur et or, il en sera pourtant un des piliers sur qui les entraîneurs successifs s'appuieront pour bâtir une équipe toujours plus compétitive, une défense toujours plus hermétique.

Travailleur la journée, footballeur le soir, il gagnera pourtant le droit de représenter la France avec l'équipe nationale olympique lors des jeux méditerranéens en Turquie en 1971.

Aujourd'hui, c'est avec Monsieur Jean-Pierre Hugon que le musée vous propose de passer un moment.

 

JEAN-PIERRE, POURQUOI AVOIR CHOISI LE SPORTING ?

C'est une longue histoire. J'étais interne au collège à Lorgues et ici à Carcès, ils ont créé une équipe cadet. Pour que je vienne jouer avec eux, ce sont deux familles d'élèves demi-pensionnaires du collège qui m'accueillaient à tour de rôle le samedi et le dimanche. Bref et l'équipe se retrouve demi-finaliste du championnat d'académie en battant Cannes, Toulon. De là, je me retrouve au lycée à Brignoles et un gars me demande de venir jouer à Vidauban en junior. Et là, il y a un recruteur du sporting qui me demande, au mois d'avril 64, de venir faire un essai et il me garde. Je n'avais jamais fait d'école de foot ou autres. Je commence d'abord en junior, puis en ph avec des anciens pros : Marquet en autres. Et puis en 66, Monsieur Mirouze me fait confiance et me fais faire quelques matchs en coupe Drago. En 67, Jean Luciano, me demande d'intégrer les pros et je gagne ma place au détriment de Raspotnik ou d'Estève. Je joue jusqu'en 70/71 où on fait un très bon championnat avec les débuts de Dalger. J'ai pratiquement joué à chaque match à la place de gars qui étaient professionnels. Car je n'ai jamais voulu être pro. Je travaillais parallèlement à ça à l'arsenal au bureau des salaires. Puis j'ai passé les diplômes pour être moniteur d'éducation physique.


QUEL JOUEUR DU SPORTING T'A LE PLUS MARQUÉ ?

D'abord, j'ai été sélectionné au sporting en tant qu'attaquant, mais c'est à cause de Vibourel (rire) que j'ai joué défenseur. À un tournoi à Viareggio en Italie, il n'avait personne. Alors, il m'a demandé de jouer derrière et j'avais bien muselé un certain Mutti, qui était l'avant-centre de la Fiorentina.

J'ai beaucoup apprécié Marc Bourrier parce que c'était un bon milieu un type sympa, proche des jeunes, qui ne gueulait pas sur les jeunes comme moi, car il y en avait certains qui ne se gênaient pas. Surtout, s'ils voyaient que l'on risquait de prendre leur place. Si tant est qu'ils avaient leur place attitrée. Les jeunes, pour eux, on était des "rien du tout".

Guy Van Sam aussi. Il est arrivé, il était international B. Nanard Roubaud également. Jean-Pierre Alba : la classe ! Pied gauche extra. On avait un truc : Dalger lui donnait la balle, il me la mettait derrière les défenseurs et j'allais centrer. Au sporting, je n'ai jamais été sélectionné en équipe de France. Il a suffi que je parte à Châteauroux pour y être appelé deux mois après.


UN SOUVENIR, UNE ANECDOTE SUR TON PASSAGE A TOULON ?

Ce qui m'a marqué : on joue à Sète contre Angoulême. On doit gagner cent fois et sur un duel, je m'explose l'arcade et l'entraîneur n'a pas voulu que je sorte. Ils m'ont pressé des glaçons dessus à la mi-temps en me disant : "tu ne vas pas à l'hôpital, il ne faut pas que tu sortes". J'ai joué comme ça, bandé. Les journaux avaient titré : "Jean-Pierre Hugon, un exemple pour les jeunes et les moins jeunes". À l'époque, on était des fous, on n'avait pas de remplaçants. On jouait avec les entorses qui dépassaient sur les chaussures (rire).


UN MATCH EN PARTICULIER ?

Le monde au stade déjà. Il y a des matchs, il y avait jusqu'à quatorze ou quinze mille personnes.

Mais le match d'Angoulême, car c'était un match héroïque pour moi. Je ne voyais plus la lumière (rire).

Ce fameux match à Monaco qui était premier et champion de France quand on fait 0/0. Il y avait quatre gars à faire leur premier match en pro : Alain Lardeyret, Raymond Andrieu, Jean-Pierre Franceschini et Bernard Simondi.

Y'avait pas eu besoin de dire de mettre le pied. On ne se laissait pas faire. Y compris contre l'om. Je me souviens de leur attaquant, international camerounais : Joseph Maya. Il m'avait dit : " tu ne vas pas m'emmerder longtemps, je suis international dans mon pays". " Je suis flatté", je lui avais répondu. Mais je n'avais rien lâché, surtout pour un derby. D'ailleurs, je ne me souviens pas d'avoir perdu contre l'om. 


EN QUELQUES MOTS, SI TU DEVAIS RESUMER TON AVENTURE A TOULON :

J'ai passé sept ans au sporting et humainement, ça m'a tout apporté. Moi, je n'avais rien. On était six enfants. On est parti en pension très jeune, à huit ans. Ici, ça a été une très belle aventure. J'ai eu cette chance que ce recruteur du sporting m'ait repéré et ma vie a pris une autre trajectoire en 1964. C'est M. Revello qui m'a reçu et qui m'a dit : " on compte sur toi" et qui m'a lancé. Quand je parle avec mon fils et qu'il me parle du Psg, je lui dis que l'on aurait payé pour jouer. Déjà que les jeunes, on n'était pas beaucoup payé. Je me souviens une fois, M. Sirvan avait décidé de nous sucrer nos primes de victoires parce que l'on gagnait beaucoup de matchs. Alors que l'on touchait trois cents francs par mois quand les pros devaient en gagner entre cinq et huit mille. Je les avais interpellés sans que l'on me demande et ils ne m'avaient rien dit..


QUE DEVIENS-TU ?

Je suis retraité depuis presque vingt ans. Je fais pas mal de moto et je suis souvent en montagne, car je mène des groupes pour faire des randonnées " un peu dures". On arrive à faire trente kilomètres dans la journée avec deux mille mètres de dénivelé. Demain, je mène des Belges dans le Verdon. Tant que ça tient, j'en profite....


JEAN-PIERRE ET LE SPORTING :

Défenseur.

1966/1967 :  1 match.

1967/1968 : 32 matchs. 1 but.

1968/1969 : 38 matchs.

1969/1970 : 29 matchs.

1970/1971 : 27 matchs. 1 but.