INTERVIEW JEAN-PIERRE MOTTET


"Et à Toulon, cette pression-là était quotidienne."

Il a été recruté par Rolland Courbis pour remplacer Pascal Olmeta parti au Matra Racing, c'est dire la qualité du joueur qui nous a accordé du temps aujourd'hui. Il aura passé deux saisons sur les bords de la rade et disputé pratiquement soixante matchs à tenir la cage azur et or.

Gardien discret dans la vie, mais terriblement efficace sur sa ligne grâce, entre autres, à une explosivité au-dessus de la moyenne, le musée est heureux d'accueillir M. Jean-Pierre Mottet. 


JEAN-PIERRE, POURQUOI AVOIR CHOISI LE SPORTING ?

C'est Rolland Courbis qui est venu me chercher à Lille, où j'étais en fin de contrat et il m'a convaincu de signer à Toulon. Je connaissais bien et j'étais même ami avec René Marsiglia. Je connaissais bien aussi Roger Ricort et aussi Bernard Pardo parce qu'on avait joué ensemble à Lille. Là-dessus, c'est Paul Orsatti, qui était l'entraîneur, qui m'a convaincu de venir au sporting. Malheureusement, il est parti au bout de trois mois.


QUEL JOUEUR DU SPORTING T'A LE PLUS MARQUÉ ?

Je vais en mettre deux :

je pourrais aussi mettre Paga, parce qu'à l'entraînement, on voyait que c'était un artiste qui faisait des choses différentes de ce que les autres faisaient. En tant que gardien, je le sentais comme ça.

Mais en match, il y a deux joueurs qui m'ont vraiment impressionné : c'est Roger Mendy et David Ginola. Roger était super fort, très très fort. Défensivement, c'était très très fort. Et David, il était tout "jeunot", il avait 18/19 ans, mais on voyait qu'il avait du talent. En plus de la qualité technique, il avait des qualités physiques. 


UN SOUVENIR, UNE ANECDOTE SUR TON PASSAGE À TOULON ?

Footballistiquement, ça n'a pas trop bien marché pour moi. Je n'étais pas vraiment à mon niveau. Pour la bonne raison qu'en arrivant, j'ai chopé la toxoplasmose, mais je ne le savais pas. Une maladie insidieuse. Je n'avais pas le jus que j'avais d'habitude, j'avais perdu dix centimètres de détente verticale, j'étais fatigué. Ça a mis six mois à partir. Et même après, j'ai eu du mal à retrouver mon niveau, et c'est d'autant plus compliqué quand tu changes de club et que tu n'es pas à 100 %.

En fin de compte, je peux faire un mea-culpa d'après-carrière. Je suis arrivé avec une méthode et un fonctionnement qui se faisait à Lille et je pensais qu'il était transposable de partout. Ce n'était pas le cas, j'ai manqué un peu de clairvoyance. J'ai fait ma remise en question après, bien après. J'ai pris du recul et je me suis demandé ce que je n'avais pas bien fait là-bas. J'ai trouvé que je ne m'étais pas adapté. Chacun a sa part de responsabilité, la mienne, c'était celle-là.


UN MATCH EN PARTICULIER ?

Le match particulier, c'est la coupe. J'étais sorti de l'équipe. Je n'avais pas joué le match aller, je reviens pour le match retour de Sète. Je fais un bon match et je sauve une balle de match à la dernière minute. On va aux pénaltys et je passe assez vite à travers pour des tas de raisons. Ça m'a marqué footballistiquement et humainement. Tout le monde a tiré et je manque le mien. Le truc con, pour la petite histoire, c'est que je partais trop vite sur les pénaltys. Il fallait que je me retienne de partir. Ma qualité première qui était l'explosivité devenait un défaut sur les pénaltys. Statistiquement, ça venait plus souvent sur ma droite que sur ma gauche, c'était comme ça. Et ne voyant pas dans les courses d'élan des gars, où ils allaient tirer, je pars à droite. Et puis j'ai commencé à sentir que "ça gueulait" derrière moi. Et j'ai commencé à subir la pression extérieure et sur le 4e et 5e, je change de côté et les deux gars tirent à droite. C'est là que j'ai perdu le sens du match. Je pense avec le recul que si je reste sur mes intentions premières, je les arrête. Et puis quand vient mon tour de tirer, je ne suis plus très lucide et je le rate. Cela m'a marqué parce que je n'avais pas été assez hermétique à l'environnement extérieur. C'est con, parce que je pense que sur ce match-là, j'aurais pu faire basculer les choses en ma faveur.


EN QUELQUES MOTS, SI TU DEVAIS RESUMER TON AVENTURE À TOULON ?

La naissance de mon fils à Toulon a tout changé pour moi. Avant, j'étais insouciant et cette période-là a tout changé pour moi. Mon passage à Toulon a été un échec pour moi, même si tout n'était pas mauvais, attention. Ça m'a fait réfléchir. Quelque part, je n'étais pas prêt à affronter le foot de cette façon. Je suis venu au foot par hasard, je faisais de l'athlétisme. Je savais gérer les performances comme les athlètes le font, mais je ne savais pas gérer les pressions extérieures, les éléments extérieurs comme il peut y en avoir au foot. La pression médiatique. On ne nous préparait pas à l'époque à tout ça. Et à Toulon, cette pression-là était quotidienne.


QUE DEVIENS-TU ?

Je suis à la retraite. J'ai fait entraîneur des gardiens à Dignes, puis à Nîmes, à Gueugnon. Et puis Lille m'a appelé et je suis resté vingt et un ans entraîneur là-bas, en alternant la formation et les pros.

Je vis maintenant en Ardèche, à la campagne, en face de chez mes parents. Vers Annonay. J'ai une super vue sur les Alpes.


JEAN-PIERRE ET LE SPORTING :

Gardien de but.

1986/1987 : 31 matchs.

1987/1988 : 28 matchs.