INTERVIEW FRANÇOIS SIMIAN


"C'est l'esprit toulonnais. C'est l'esprit du rugby un peu."


Chouchou du peuple de Bon Rencontre, réputé pour la qualité de ses dribbles, de ses débordements sur son aile droite et sa vivacité. Il était la machine à centrer du onze de la rascasse. Garçon de caractère pouvant vite prouver à qui que ce soit qu'il ne fallait pas trop le "chercher".

Joueur à part entière de cette formidable équipe qui gagna sa place dans l'élite du foot français à l'issue de la saison 63/64, il enfila pendant sept saisons la tunique azur et or.

Aujourd'hui, c'est avec un immense plaisir que le musée reçoit Monsieur François Simian.


FRANÇOIS, POURQUOI AVOIR CHOISI LE SPORTING ?

J'ai fait mes débuts à Montéty qui était pour moi une grande école du football, extraordinaire avec les curés. C'était vraiment un grand club à l'époque où la première était en division d'honneur. On n'avait pas le droit de jouer à douze ans, mais on s'entraînait. Avec un cordonnier qui nous faisait les souliers. Car celui qui n'avait pas les souliers cirés, les affaires repassées, il ne jouait pas. On commençait à jouer en minime. Et en cadet, comme on restait deux ans dans chaque catégorie, le sporting est venu me chercher. Le niveau était un peu plus élevé, alors j'y suis allé. Mais les gens de Montéty m'ont interdit de jouer, alors je suis resté un an sans jouer, je n'avais pas de licence.

Après, je suis passé junior et le sporting m'a fait passer stagiaire et je me suis entraîné avec les pros.

Le sporting m'a demandé de devancer l'appel pour faire mon service militaire et comme j'avais devancé l'appel, j'ai choisi la marine et je suis allé à St Mandrier, ce qui me permettait de m'entraîner la semaine et de faire les matchs le week-end.


QUEL JOUEUR DU SPORTING T'A LE PLUS MARQUÉ ?

À l'époque, j'ai joué avec Jacky Veggia qui arrivait de St Etienne, il était fort. Célestin Oliver aussi qui avait un certain âge mais, qui était un sacré meneur d'hommes. J'ai joué avec pas mal de bons joueurs. Robert Vicot, qui fût un grand entraîneur après sa carrière. Henri Borowsky derrière. Robinet, Francis et Robert Blanc. C'est-à-dire que l'on était cinq juniors à être passés en pro. C'est ce qui a fait que ça marchait, avec Oliver qui nous menait et Hervé Mirouze sur le banc. Cinq jeunes pleins de talents qui débarquent, ça fait quand même pas mal, et on monte en soixante-quatre en première division.


UN SOUVENIR, UNE ANECDOTE SUR TON PASSAGE À TOULON ?

À Toulon, je n'ai fait que de rêver. Quand tu es jeune, tu parles.

La façon dont avait Célestin Oliver de nous parler à nous les jeunes pour nous motiver. C'était un management à l'ancienne. Il nous traitait de tout. Non pas pour nous faire mal, mais pour nous surmotiver. "Tu es un petit merdeux, tu dois courir plus, tu es jeune."

Quand on arrivait dans le vestiaire aussi et que l'on prenait la place d'un ancien, il savait nous le dire : " oh minot, c'est ma place ça."

Les jeunes, on était là pour courir et les servir. Mais tout ça faisait une équipe.

Et puis, il nous protégeait. Gaby Rossi, par exemple. Si un d'en face me faisait mal, il s'en chargeait, il le coupait en deux. J'étais un peu le chouchou de Bon Rencontre.


UN MATCH EN PARTICULIER ?

Le match de barrage contre le Racing Club de France à Bon Rencontre plein, archicomble. Y avait des gens de partout. Impressionnant, au bout de vingt minutes de jeu, on menait quatre à zéro. Avec leurs internationaux et tout. Au final, on le gagne cinq à un. Au match retour, on perd trois à zéro, mais on monte en première division et en finale de barrage, on joue contre le Stade Français qui montait aussi.

Il y a aussi mon premier but en pro contre Roubaix, là-bas. C'est mon premier match en pro. Y a un corner, le gardien sort et la dégage au coin des dix-huit mètres, j'arrive en pleine course, je reprends ça de volée et ça va dans les buts. Un but incroyable. Mon premier match en pro et on a gagné deux à un. Ce jour-là, j'ai pris de coups, y avait un défenseur qui s'appelait Ledru, il m'a roué de coups, je m'en rappellerais toute ma vie.

En Corse aussi on prenait des coups, pourtant ma mère est Corse, mais c'était terrible là-bas aussi.


EN QUELQUES MOTS, SI TU DEVAIS RESUMER TON AVENTURE À TOULON ?

C'est l'esprit toulonnais. C'est l'esprit du rugby un peu. C'était costaud. C'était un esprit foot-rugby. Une équipe solide, quoi. Et puis parfois, quand je vais quelque part et que les gens me disent : " oh Simian, vous m'avez fait rêver !". J'ai soixante-dix-neuf ans et les gens se rappellent encore. On n'était que des jeunes avec deux, trois vieux briscards. On avait vraiment une équipe, je le redis.

Mais à Toulon, on n'a jamais eu de très très grands dirigeants. Y avait des très bons joueurs, mais malheureusement pas de grands dirigeants.

Quand ils me vendent à Monaco. Ils m'échangent contre Djibrill et Cossou plus vingt millions. Ils ne m'ont même pas donné un centime. Nous, on a rien eu. " Allez vous débrouiller là-bas" et c'est tout.

Mais je n'oublie pas que le sporting m'a apporté une promotion sociale. Ça a été un ascenseur social formidable pour moi. Sinon j'aurais été un ouvrier ou je ne sais pas quoi. j'ai joué quatre ans à Monaco où j'ai côtoyé de grands joueurs, idem à Rennes. J'ai joué avec des phénomènes quoi.


QUE DEVIENS-TU ?

Je suis naturellement à la retraite et j'ai entraîné au Revest jusqu'il y a quatre ans. Après avoir entraîné les équipes de petits, de jeunes et les séniors du Las pendant vingt-deux ans. On faisait tout : on entraînait, on lavait les maillots, on les étendait.


FRANÇOIS ET LE SPORTING :

Ailier droit.

1960/1961 :  2 matchs.

1961/1962 : 14 matchs. 2 buts.

1962/1963 : 23 matchs. 4 buts.

1963/1964 : 30 matchs. 5 buts.

1964/1965 : 32 matchs. 2 buts.

1972/1973 : 15 matchs. 1 but.

1973/1974 :  1 match.