INTERVIEW BERNARD ROUBAUD


"On ne se doutait pas que c'était pour nous."

Pour beaucoup d'entre nous, le match mythique, le match du siècle du sporting, fut celui d'un soir de mai 83 du côté de Grenoble qui nous envoya en première division.

Mais il y en a eu un autre, 24 ans auparavant, du côté de Besançon. Ce soir-là, le 31 mai 1959, onze guerriers toulonnais ont parachevé une saison exceptionnelle en validant et pour la première fois de l'histoire du sporting, son ticket pour l'accession en première division.

Et c'est la première fois, après plus de quatre-vingts "invités", que le musée reçoit un de ces Héros, une de ces Légendes, afin de pouvoir lui rendre l'hommage qui lui est dû, à lui et aux siens.

Soixante-trois ans après, le musée est honoré d'avoir rencontré M. Bernard Roubaud, fidèle parmi les fidèles. Joueur emblématique du club de la rade. Toulonnais de souche avec plus de 320 matchs sous les couleurs azur et or.

Enfin, plus personnellement, je voudrais également remercier Marie-France, son épouse, pour son accueil, ses cafés, ses chocolats et sa gentillesse.

Eddie


BERNARD, POURQUOI AVOIR CHOISI LE SPORTING ? 

Mon père, quand il va vu que je ne pensais qu'au football, il m'a inscrit au sporting. C'était en minime, à l'époque, j'avais quatorze ans. On fait la finale de championnat contre l'OM. Après cadet, là, on n'a rien gagné. Junior, on a fait la demi-finale de la coupe Gambardella contre Lille que l'on perd deux à zéro.

L'entraîneur des pros de l'époque, c'était Gaby Robert, il m'a vu et il m'a dit : "je vais vite te faire signer professionnel.". C'était en cinquante-sept, j'avais vingt et un an et je signe stagiaire. Et à la fin de la saison cinquante-neuf, on finit troisième et on monte en première division.

Après, je pars à Lyon puis à Sedan et quand le sporting remonte en première division pour la deuxième fois, avec Meggiolaro, Francis Blanc, Robert Blanc et compagnie. Le sporting m'a appelé et le président Leterreux a fait le transfert. Il m'a fait revenir et j'ai fini ma carrière ici. 


QUEL JOUEUR VOUS A LE PLUS MARQUÉ ?

Pour moi, c'est Christian Dalger. Il savait tout faire ce garçon. C'était une lumière. Guy Van Sam aussi. Un mec comme ça (il fait le signe un avec son pouce) et un grand joueur. Cossou aussi était un bon joueur. Djibrill également. Et puis il y avait Moulon aussi (rire), (il me fait un signe de tacle avec la main), c'est tout ce qu'il savait faire. On en a pris de ces avertissements et de ces suspensions avec lui. Et Garofalo lui, c'était un super type qui déconnait tout le temps. Il ne faisait que ça. Mais c'était un super gardien, le premier que j'ai vu jouer dans toute sa surface. Au pied ou à la main, il sortait comme un fou et les types s'arrêtaient. Ils avaient peur. C'était un personnage. Il n'avait confiance en personne, alors il jouait avec son portefeuille dans les cages. Il venait à l'entraînement en vélo. Il habitait dans la vieille ville et tout le long, il s'arrêtait de partout, devant les écoles. Il partait une heure avant le début de l'entraînement. Et les minots : "Garofalo, Garofalo, signes nous un autographe " et ça c'était tous les jours. C'était un mec super-gentil, drôle. Jean-Jacques Marcel aussi. Milieu de terrain, cinquante fois international. Il était de Brignoles.


UN SOUVENIR, UNE ANECDOTE SUR VOTRE PASSAGE À TOULON ?

Tout ce qui a suivi le match de la montée à Besançon. Du train du retour, vous en vouliez du champagne vous ? Et à l'arrivée à la gare. Quand on descend du train, on voit un monde fou. On se dit : " mais qu'est-ce qu'il se passe ?". C'était pour nous. On ne se doutait pas que c'était pour nous.

On descend l'avenue de la gare, c'était plein des deux côtés, c'est pas possible, on se regardait. On arrive devant le siège du club à l'amirauté, alors là, on ne pouvait plus avancer. Et quand on réussit à entrer à l'amirauté, le patron nous dit : " allez au fond, il y a une salle pour vous". On y entre, il y avait une table de cinquante mètres de long, rien qu'avec du champagne dessus. Incroyable. On s'est tous "empégués" au champagne, je ne vous dis pas.

De toute façon, de la gare à l'amirauté, je n'ai plus touché un pied par terre. C'est même mes parents qui ont récupéré mon sac. Je ne sais pas, mais je n'ai pas marché à pied de la gare à l'amirauté. Je n'avais jamais vu ça à Toulon. La montée en première division à a été quelque chose de faramineux.

On a été reçu de partout, le maire de Toulon, il me semble que c'était Arreckx, nous a décorés de la médaille de la ville.

Et en cinquante-neuf, j'étais pro au sporting, mais à l'armée en même temps, à la compagnie de garde. J'étais chargé de m'occuper de toutes les équipes de sport. Alors, après la montée le commandant de région a même organisé une réception pour moi. Je lui donnais mon invitation pour Bon Rencontre, il était fier. Il disait aux gens : " Vous voyez ce jeune-là ? C'est mon chef du service des sports."

Tiens, je vais vous dire quelque chose. À l'époque, on jouait à Bon Rencontre sur de la terre avec des bouts de verre qui ressortaient, on risquait de se couper à chaque fois. À la fin de l'entraînement du mardi, on devait ramasser les bouts de verre sur tout le stade et on en a ramassé des tonnes, incroyables. L'année d'après, la mairie a décidé de faire la pelouse et on est parti joué à Jauréguiberry.


UN MATCH EN PARTICULIER ?

Le match de la montée en 1959 à Besançon à la dernière journée. On est troisième et on va à Besançon qui était quatrième et s'il nous battait, c'est eux qui montaient en première division. Il faut que l'on gagne absolument et on gagne trois à deux. Le stade là-bas, est plein. On marque deux fois les premiers. Ils égalisent deux fois et Meftah, qui fait un doublé, marque le troisième. C'était un superbe match. Et puis, il y avait des supporters qui étaient venus jusque là-bas quand même. Un train qui était monté, c'était pas rien. 

Je me souviens aussi d'un déplacement en train, à Rouen. Debout dans les couloirs en troisième classe. On en a pris cinq. On est arrivé cuit.


EN QUELQUES MOTS, SI VOUS DEVIEZ RÉSUMER VOTRE AVENTURE À TOULON :

Pour moi, le sporting c'est mon club de coeur. C'est un club qui est arrivé à monter en première division alors qu'il n'avait pas les moyens. C'est extraordinaire ce qu'ils ont fait : les Leterreux, les secrétaires généraux, les entraîneurs.

On nous courait après. Des autographes, je ne sais pas combien j'en ai signé. Au stade, dans les rues. Les gosses nous couraient après et les parents étaient là. On était des héros pour eux.

Et puis pour certains comme moi, le sporting et la montée nous a permis de partir dans un club plus grand, comme Lyon.


UN DERNIER MOT BERNARD ?

À la retraite, je m'étais mis au jeu provencal. J'ai fait la finale du championnat de France que j'ai perdu, pourtant je menais huit à sept, enfin bref. Mais je ne peux plus jouer, j'ai un problème à la main avec laquelle je joue. Mais ça ne m'empêche pas de suivre les résultats du sporting.


BERNARD ET LE SPORTING :

Mileu de terrain.

1954/1955 :  1 match.

1955/1956 :  /

1956/1957 : 34 matchs. 15 buts.

1957/1958 : 27 matchs.  3 buts.

1958/1959 : 36 matchs. 11 buts.

1959/1960 : 35 matchs.  5 buts.

1964/1965 : 32 matchs.  5 buts.

1965/1966 : 35 matchs.  6 buts.

1966/1967 : 34 matchs.  4 buts.

1967/1968 : 33 matchs.  5 buts.

1968/1969 : 40 matchs.  8 buts.

1969/1970 : 18 matchs.  3 buts.