INTERVIEW DANIEL XUEREB


"On a été témoin de la mort d'un club".

Quand on dit que le sporting savait recruter sur son nom de grands joueurs. Notre invité d'aujourd'hui n'y coupe pas. Champion Olympique à Los Angeles en 1984, puis sélectionné pour participer à la coupe du monde au Mexique en 1986, il arrive sur la rade dans l'espoir de boucler une boucle qui l'aura sacrée champion de France en 1992 et vainqueur de la coupe nationale en 1990.

Espoir déçu tant son année au sporting sera la pire que le club vivra pour ses adieux au monde professionnel.

Aujourd'hui, c'est avec M.Xu, avec Daniel Xuereb que le musée vous propose de passer un moment.  


 DANIEL, POURQUOI AVOIR CHOISI LE SPORTING ?

J'avais fait une saison à Marseille où j'étais le remplaçant de Jean-Pierre Papin. On m'avait proposé cette situation et j'avais accepté. J'avais joué un petit peu quand même que ce soit sous les ordres d'Ivic ou de Goethals. J'avais marqué quelques buts et à la fin de la saison, le président De Courson a pris contact avec moi et m'a fait signer un contrat de deux ans. J'ai accepté, car j'avais tellement "bourlingué" que je m'étais posé avec ma famille sur Aix-en-Provence et je n'avais plus envie de déménager. Je continuais à jouer en restant sur place.

J'avais la possibilité d'aller à Bordeaux, il y avait Rolland Courbis qui m'avait appelé, mais j'ai préféré rester ici et j'ai fait une erreur. Sincèrement.

Au bout de deux mois, on n'était plus payé et la saison a été terrible. On était au milieu du classement et tous les joueurs venaient sans être payés. Et tous les mois, on attendait et rien ne venait. C'était compliqué pour nous, pour le centre de formation.

Après, il y arrive ce qui doit arriver. On a dégringolé et plus personne n'avait envie de jouer. Ce président, il m'a sorti des yeux !

C'était l'horreur. Et j'en veux encore plus à la DNCG*, qui sachant qu'il y avait ces problèmes à Toulon a laissé le club repartir en première division. C'est leur responsabilité aussi à la DNCG*.

Alors, c'est dommage parce qu'il y avait des garçons charmants : Fred Meyrieu, Patrice Eyraud, Luigi Alfano, Philippe Thys. On avait une équipe pour se maintenir les doigts dans le nez et on n'en a pas eu la possibilité, car ça a engendré beaucoup de problèmes. On n'avait plus d'interlocuteurs, on était livrés un peu à nous-même. On ne savait même pas la veille du match si on faisait les déplacements en bus, en train, en voiture ou en autostop (rire). Ça a été la descente aux enfers jusqu'au dépôt de bilan.

Moi, à partir du mois de janvier, j'étais plus là. Je n'étais plus concerné, c'était terrible. C'est la pire des saisons que j'ai vécues dans le football. Abandonnés par l'UNFP**. Elle n'a rien fait pour nous. Ils vous réclament des cotisations pour le syndicat et quand ça nous est "tombé sur la gueule", on s'est débrouillé tout seul, je tenais à le dire.

Pour mon compte perso, c'était pas grave en soi. Je comptais arrêter de toute façon. Mais ça a été le coup de massue qui a précipité les choses.

Quand j'ai vu ces jeunes du centre de formation et eux, c'était le pire. Ils n'étaient plus logés, plus nourris. Ils gagnaient peut-être mille francs par mois, qui ne toucheront jamais.

Et l'UNFP** qui a laissé tout le monde mourir comme cela, n'a rien fait. Il a fallu attendre la fin de saison en mai pour que l'on puisse aller pointer au chômage alors que l'on n'était plus payé depuis le début du championnat, alors qu'au quotidien, c'était " comment on va faire ?".

Comment peut on mettre à la tête d'un club de première division un mec comme De Courson ? Il a fini en prison !

  

QUEL JOUEUR T'A LE PLUS MARQUÉ ?

On avait une bonne petite équipe pour jouer dans le ventre mou du championnat. Luc Borrelli dans les buts, Thierry Rabat, Miguel Pineda, Franck Passi, Jean-Louis Bérenguier, Philippe Anziani plus tous ceux que j'ai cité avant. On avait un effectif pour finir dans les dix premiers. Tranquille.

On avait un stade aussi et un public. Il y avait quelque chose à Toulon pour faire un truc sympa.


UN SOUVENIR, UNE ANECDOTE SUR TON PASSAGE À TOULON ?

On a été témoin de la mort d'un club. Et qui ne s'en est toujours pas remis. Moi, finir comme cela, ça m'a dégoûté du foot et de ses instances.

Comme j'avais lâché l'affaire, je ne jouais plus avec l'équipe première et pour ne pas arrêter complètement : j'ai joué avec la D3 qui était pire que nous. Nous, on avait une carrière derrière nous, un peu d'argent de côté, mais tous ces jeunes : les Charlet, Soulas, Porato, Cassèse, Coulbaut, Croce ? Les pauvres. Tous n'ont pas rebondi ailleurs.


UN MATCH EN PARTICULIER ?

Contre l'O.M à domicile, pour le derby, dans un stade plein où je rate une occasion facile.

Des trucs que tu faisais bien avant, et que tu rates maintenant.

Voilà, je me souviens de ce match et de notre entraîneur, le pauvre : M. Robert Dewilder, à la fin découragé comme nous.


EN QUELQUES MOTS, SI TU DEVAIS RÉSUMER TON AVENTURE TOULONNAISE ?

Un calvaire. C'est la pire des saisons que j'ai vécues dans le foot, je le redis. Pratiquement, en arrivant, tu sais que tu ne vas plus être payé, que ton président va finir en prison. Tu te dis : " où j'ai mis les pieds ?".

Mais malgré tout, il s'est lié une vraie camaraderie à travers ces moments difficiles. Autant la période a été infâme, autant les liens ont été forts.


QUE DEVIENS-TU ?

J'habite Aix-en-Provence. Je suis à la retraite depuis 2019 de mon poste de directeur du service des sports du Pertuis. Je profite de la famille puisque j'ai deux filles et quatre petits-enfants. Il y en a une qui vit en Corse et une qui vit à côté, à Aiguines. J'aime aussi la chasse et je joue un peu au golf et j'ai les amis aussi. Retraite paisible et tranquille.


DANIEL ET LE SPORTING :

Attaquant.

1992/1993 : 20 matchs. 1 but.


 * DNCG : Direction Nationale de Contrôle de Gestion.

** UNFP : Union Nationale des Footballeurs Professionnels.