INTERVIEW JEAN FOURNIER


"Y'avait tout Toulon."

Toulonnais pure souche, il fera partie et pour toujours des pionniers. De ceux qui ont fait gravir au sporting l'ultime échelon vers les sommets du foot hexagonal à l'issue de la saison 1958/1959.

Il se vit, il y a deux ans, avec les autres héros, honoré par la municipalité de Toulon de la médaille de la ville. Plus haute distinction que celle-ci puisse remettre à l'un des siens.

Joueur polyvalent, il était capable autant de museler les plus grands du foot français que de marquer des buts décisifs.

Aujourd'hui, c'est avec un immense respect que le musée reçoit Monsieur Jean Fournier.


JEAN, POURQUOI AVOIR CHOISI LE SPORTING ?

Moi, j'ai toujours été au sporting. J'ai débuté en pupilles, minimes, cadet, junior. J'ai toujours été au sporting dans les jeunes, je n'ai jamais changé de club. Et j'ai joué mon premier match en professionnel, j'avais 17 ans, j'étais junior encore. C'était en coupe Drago, contre Reims, à Reims. Ils avaient la grosse équipe, y'avait Jonquet et compagnie. Je jouais avant-centre, c'est le poste que j'occupais quand j'étais jeune. J'étais un peu plus costaud que mes copains et j'avais une grosse frappe de balle, alors je jouais devant. Après, on est monté en première division, c'était dur. On prenait que des casquettes, on avait une équipe de copains. 

Après, je m'en vais et je reviens quand le sporting est à nouveau en deuxième division et qu'ils voulaient remonter rapidement. Ils ont fait venir : Djibrill, Cossou, Guy Van Sam et on finit deuxième, il me semble la dernière année.


QUEL JOUEUR DU SPORTING VOUS A LE PLUS MARQUÉ ? 

Un joueur que j'aimais bien, c'était Camilla. Jeannot Camilla. C'était un brave mec, gentil, bien élevé. Il avait beaucoup de qualités. Quand il est mort, ça m'a fait une peine. C'était un très bon joueur au milieu. Mais il m'a marqué, non seulement par sa valeur de footballeur, mais aussi pour sa valeur humaine. J'en ai tellement vu des bons joueurs à Toulon. Mehdi par exemple. Il jouait ailier. 

Après, il y avait ceux avec qui on est allé en finale de la Gambardella : Roubaud, Pierrot Marquet.

Meftah aussi. Je l'ai vu marquer des buts de 20 mètres de la tête. Il nous disait : "centrez fort, pas en cloche, tendu". Il avait un coup de tête terrible. 

Un joueur aussi qui m'avait beaucoup marqué, même s'il est beaucoup plus jeune que moi, c'est François Simian. C'était un excellent joueur, je pense que c'était un des meilleurs ailiers droit français, à l'époque. 

Gaby Robert comme entraîneur avait beaucoup de qualités. C'était le meilleur. 


UN SOUVENIR, UNE ANECDOTE SUR VOTRE PASSAGE À TOULON ?

Le match de la montée à Besançon, on avait gagné trois à deux. Je n'avais pas joué le match, j'étais remplaçant là-bas. En revenant, on avait été porté en triomphe de la gare jusqu'à "l'amirauté" (siège social du club). C'était incroyable. Y'avait tout Toulon. C'était la grosse fête.

J'avais été présélectionné en équipe de France espoir, mais je n'ai pas été convoqué. Pour moi, cela reste un bon souvenir quand même. Mon père était content, moi aussi. 


UN MATCH EN PARTICULIER ?

On reçoit le Stade de Reims à Jaureguiberry. Et chez nous, il y avait Jean-Jacques Marcel qui arrivait de la Coupe du Monde de Suède. Il était venu jouer à Toulon. Toute la semaine, on s'est entraîné au stade de la marine. Le jour du match, il y avait 16/17 000 personnes. Les gens étaient perchés sur les arbres. Et Jean-Jacques Marcel me dit : "tu vas marquer Kopa, je ne veux pas le voir", et toute la semaine, il m'a conditionné. Toute la semaine, il m'a gonflé avec ça. Et à l'échauffement, déjà  j'ai commencé à le bousculer. Kopa me regarde et me dit " mais qu'est-ce que tu fous, là? " Je lui ai répondu : " mais t'as pas fini d'en prendre". Ce match-là, je lui ai mis des coups. Maintenant, je n'aurais jamais pu le faire avec les arbitres. Bref, il ne touche pas beaucoup de ballons et on fait un à un. Mais ce match-là, il m'a suivi toute ma carrière. Ils m'ont fait un "costard" dans les journaux en disant que je n'étais pas un footballeur, que j'étais un fou.

À Bon Rencontre, il y avait du monde. À l'époque, le football c'était aussi bien que le rugby. Les Toulonnais aiment le foot, même encore maintenant. Si on avait une équipe valable, le stade serait plein. 

 

EN QUELQUES MOTS, SI VOUS DEVIEZ RÉSUMER VOTRE AVENTURE À TOULON :

J'ai été ravi de devenir pro au sporting. C'était mon but. J'aurais peut-être jamais dû partir du sporting. J'ai eu un regret, c'est d'être parti. 

J'ai rencontré ici beaucoup de gens intéressants.  


VOUS SUIVEZ ENCORE LE SPORTING ?

Oui. Je suis abonné aux journaux. Je suis un peu déçu. Ce n'est pas demain que l'on va retrouver la deuxième division. Déjà en national, ça serait bien. Bon, ils ont recruté deux nouveaux attaquants, on verra bien.  


JEAN ET LE SPORTING :

Attaquant / Milieu.

1953 / 1954 : /

1954 / 1955 : 12 matchs. 1 but.

1955 / 1956 : 25 matchs. 5 buts.

1956 / 1957 : /

1957 / 1958 : /

1958 / 1959 : 4 matchs.

1959 / 1960 : 31 matchs. 6 buts.

1960 / 1961 : 21 matchs. 4 buts.

1965 / 1966 : 34 matchs. 3 buts.